3Émile Durkheim, De la division du travail [1893], Paris, P.U.F., 1973. Il s’agit du chapitre II du ; 4 Ibid., p. 369.; 5 Ibid., p. 368.; 2 Durkheim n’est pas, Ă  l’évidence, un sociologue de la stratification sociale. Dans La division du travail social, le thĂšme de l’inĂ©galitĂ© sociale occupe cependant une place privilĂ©giĂ©e dans le traitement d’une de ses problĂ©matiques Plan Texte Notes Citation Auteur Texte intĂ©gral 1 Philippe Besnard, Les pathologies des sociĂ©tĂ©s modernes », in Ph. Besnard, M. Borlandi et P. Vogt... Durkheim n’est visiblement pas Ă  l’aise dans cette partie finale de son livre [le Livre III de La division du travail social], trĂšs courte par rapport aux deux prĂ©cĂ©dentes et aussi bien moins Ă©laborĂ©e [
]. De lĂ , sans doute, un certain manque de clartĂ© dans la construction de cette derniĂšre partie du livre et mĂȘme dans l’identification des pathologies de la sociĂ©tĂ© moderne. »1 2 Le texte qui suit est partiellement repris et adaptĂ© de Charles-Henry Cuin, Durkheim et l’inĂ©gali ... 1Une question centrale de la sociologie durkheimienne est celle des conditions de l’ordre et de l’intĂ©gration dans un type de sociĂ©tĂ© caractĂ©risĂ©, d’une part, par un systĂšme de valeurs dĂ©mocratique et, d’autre part, par la croissance de l’inĂ©galitĂ© sociale sous l’effet du progrĂšs inĂ©luctable de la division du travail. Dans ses ouvrages de jeunesse, Durkheim croit trouver une rĂ©ponse satisfaisante dans ce poncif classique de l’idĂ©ologie dĂ©mocratique qu’est l’égalitĂ© des chances. Pourtant, au lieu de chercher Ă  approfondir les conditions de rĂ©alisation de ce qu’il nomme lui-mĂȘme l’ absolue Ă©galitĂ© dans les conditions extĂ©rieures de la lutte », il va prĂ©fĂ©rer s’orienter vers une analyse des conditions non plus socio-Ă©conomiques mais socio-culturelles de l’acceptation de l’ordre social par les acteurs. En tĂ©moigne la place centrale accordĂ©e Ă  l’éducation et, plus largement, Ă  la socialisation dans les Ɠuvres de maturitĂ©2. I. L’égalitĂ© des chances contre l’égalitĂ© des conditions 3 Émile Durkheim, De la division du travail [1893], Paris, 1973. Il s’agit du chapitre II du ... 4 Ibid., p. 369. 5 Ibid., p. 368. 2Durkheim n’est pas, Ă  l’évidence, un sociologue de la stratification sociale. Dans La division du travail social, le thĂšme de l’inĂ©galitĂ© sociale occupe cependant une place privilĂ©giĂ©e dans le traitement d’une de ses problĂ©matiques centrales – celle de la rĂ©alisation et du maintien de l’ordre social. Les guerres de classes » et autres conflits sociaux qui agitent les sociĂ©tĂ©s industrielles n’y sont pas seulement interprĂ©tĂ©s comme une consĂ©quence de l’anomie chronique qui y rĂšgne, mais aussi comme un effet du caractĂšre contraint » de la division du travail3. Par lĂ , il faut entendre que le processus de la distribution des individus dans la structure des positions sociales ne respecte pas, ou pas assez, ni les capacitĂ©s propres des intĂ©ressĂ©s leurs aptitudes et compĂ©tences ni leurs dĂ©sirs leurs goĂ»ts et aspirations. Une telle harmonie entre les natures individuelles et les fonctions sociales »4 serait en effet une condition nĂ©cessaire pour que la satisfaction que chacun trouve dans l’accomplissement de son rĂŽle social – et donc de la place qu’il occupe dans la sociĂ©tĂ© – l’empĂȘche d’en dĂ©sirer un autre et de mettre ainsi en cause l’ordre social Ă©tabli Sans doute ne sommes-nous pas, dĂšs notre naissance, prĂ©destinĂ©s Ă  tel emploi social; nous avons cependant des goĂ»ts et des aptitudes qui limitent notre choix. S’il n’en est pas tenu compte, s’ils sont sans cesse froissĂ©s par nos occupations quotidiennes, nous souffrons et nous cherchons un moyen de mettre un terme Ă  nos souffrances. Or, il n’en est pas d’autre que de changer l’ordre Ă©tabli et d’en refaire un nouveau. »5 6 Ibid., p. 370. 7 Voir Philippe Besnard, L’Anomie; ses usages et ses fonctions dans la discipline sociologique depu ... 8 Ibid., p. 356. 9 Ibid., p. 369. 10 Ibid., p. 369. 3Durkheim est ainsi conduit Ă  opposer Ă  une forme contrainte » de la division du travail en fait du processus de la distribution des individus dans la structure sociale une forme spontanĂ©e » qui peut seule produire la solidaritĂ© sociale et prĂ©venir les conflits sociaux. Cette spontanĂ©itĂ©, prĂ©cise-t-il, suppose non seulement que les individus ne sont pas relĂ©guĂ©s par la force dans des fonctions dĂ©terminĂ©es, mais encore qu’aucun obstacle, de nature quelconque, ne les empĂȘche d’occuper dans les cadres sociaux la place qui est en rapport avec leurs facultĂ©s »6. Autant, dans le domaine des relations et des rapports sociaux, la sociĂ©tĂ© rĂ©clame une rĂ©glementation sans laquelle elle est menacĂ©e d’anomie7, autant le processus de la distribution sociale doit demeurer exempt de toute contrainte. Alors que, quelques pages plus tĂŽt, Durkheim se faisait le chantre d’une rĂ©glementation suffisamment dĂ©veloppĂ©e qui dĂ©termine les rapports mutuels des fonctions »8, il estime que c’est la plus totale libertĂ© qui doit rĂ©gir l’accĂšs Ă  ces fonctions et que rien ne doit gĂȘner les initiatives des individus »9. Une fois la sociĂ©tĂ© organisĂ©e selon des rĂšgles propres Ă  assurer l’harmonie des rapports sociaux nĂ©s de la division du travail, les destins individuels peuvent – et doivent – se dĂ©ployer librement dans un espace social dĂ©sormais contrĂŽlĂ©. La maniĂšre durkheimienne de rĂ©soudre l’antithĂšse classique entre individu et sociĂ©tĂ© est ici parfaitement balancĂ©e au premier est due la libertĂ© de se mouvoir dans une structure sociale convenablement organisĂ©e et d’y rĂ©aliser ses aptitudes et ses goĂ»ts, Ă  la seconde revient l’obligation d’assurer la coordination et la complĂ©mentaritĂ© des fonctions sociales et de dĂ©terminer non pas qui doit les occuper mais comment elles doivent ĂȘtre remplies. La solution retenue est donc Ă  mi-chemin entre collectivisme et individualisme. Elle propose le modĂšle d’un individu libre dans une sociĂ©tĂ© forte, pour le plus grand profit des deux c’est ce que Durkheim appelle le socialisme ». À cette condition, en effet, l’harmonie entre les natures individuelles et les fonctions sociales ne peut manquer de se produire, du moins dans la moyenne des cas. Car, si rien n’entrave ou ne favorise indĂ»ment les concurrents qui se disputent les tĂąches, il est inĂ©vitable que ceux-lĂ  seuls qui sont les plus aptes Ă  chaque genre d’activitĂ© y parviennent [
]. Ainsi se rĂ©alise de soi-mĂȘme l’harmonie entre la constitution de chaque individu et sa condition. »10 11 Émile Durkheim, La Science sociale et l’action, Textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par Jean-Claude Filloux, ... 4Mais en quoi une telle procĂ©dure de distribution sociale, si visiblement favorable Ă  la collectivitĂ©, l’est-elle Ă©galement Ă  l’individu ? La rĂ©ponse de Durkheim est, ici, aussi lapidaire que pĂ©remptoire Normalement, l’homme trouve le bonheur Ă  accomplir sa nature; ses besoins sont en rapport avec ses moyens ». Entendons par lĂ  que, si les mĂ©rites individuels sont justement rĂ©compensĂ©s, les besoins sont satisfaits du mĂȘme coup puisque les besoins correspondent aux moyens qui ont permis de rĂ©aliser les accomplissements que la sociĂ©tĂ© Ă©galitaire sait reconnaĂźtre et rĂ©compenser. Bref, comme l’exprime Ă©lĂ©gamment Filloux, On a les besoins que l’on mĂ©rite ! »11 12 Au mĂȘme moment, dans la premiĂšre tradition sociologique nord-amĂ©ricaine, ces deux options opposĂ©es ... 13 Émile Durkheim, De la division du travail, Op. cit., p. 371. 5La problĂ©matique durkheimienne est donc claire comment faire en sorte que s’établisse cette harmonie entre les natures individuelles et les fonctions sociales » jugĂ©e nĂ©cessaire Ă  la satisfaction des individus et, par effet, Ă  l’intĂ©gration de la sociĂ©tĂ© ? En thĂ©orie, deux solutions distinctes se prĂ©sentent. La premiĂšre est celle d’un libĂ©ralisme social absolu laissant libre cours Ă  la concurrence dans laquelle les individus s’engagent pour la conquĂȘte des diffĂ©rentes positions sociales. La seconde est, Ă  l’inverse, celle d’un interventionnisme tout aussi absolu garantissant que la distribution sociale s’effectue de telle maniĂšre que les diffĂ©rentes positions sociales soient allouĂ©es aux individus les plus aptes Ă  les occuper12. Le dilemme est classique rĂ©ussissent soit les plus forts soit les plus aptes. On ne saurait mieux qualifier la solution durkheimienne de ce dilemme que de sociale-dĂ©mocrate ». Cette solution est en effet celle de l’égalitĂ© des chances que Durkheim, en termes fleurant leur nĂ©o-darwinisme, dĂ©finit comme une absolue Ă©galitĂ© dans les conditions extĂ©rieures de la lutte »13. En d’autres termes, la salutaire compĂ©tition des individus les uns avec les autres dans la course pour l’accĂšs aux positions sociales doit pouvoir se livrer sans qu’aucun des concurrents ne jouisse de quelque avantage que ce soit sur les autres. À ce compte, non seulement chacun est rĂ©compensĂ© selon ses seuls mĂ©rites propres mais, encore et surtout, par la grĂące du caractĂšre dĂ©mocratique du processus par lequel elle s’opĂšre, le rĂ©sultat de la distribution sociale se voit investi d’une forte lĂ©gitimitĂ©. Non seulement l’égalitĂ© des chances permet de prĂ©server et de rationaliser le caractĂšre fonctionnel de l’inĂ©galitĂ© des conditions, mais elle rend celle-ci lĂ©gitime. Elle a donc un double mĂ©rite d’une part elle fait coĂŻncider aptitudes et fonctions, d’autre part elle confĂšre Ă  l’ordre ainsi constituĂ© une valeur non plus seulement fonctionnelle mais Ă©galement morale ». 6Et c’est bien cette lĂ©gitimitĂ© – plus que le bonheur Ă  accomplir sa nature » ! – qui confĂšre Ă  l’égalitĂ© des chances son efficacitĂ© intĂ©gratrice. De fait, lorsqu’elle est rĂ©alisĂ©e dans un contexte de chances Ă©gales, l’inĂ©galitĂ© des conditions se voit Ă  la fois lĂ©gitimĂ©e et valorisĂ©e lĂ©gitimĂ©e car elle rĂ©sulte alors de la mise en Ɠuvre d’un idĂ©al de justice en l’occurrence de justice distributive, valorisĂ©e car elle rĂ©compense les mĂ©rites des uns et sanctionne nĂ©gativement l’absence de mĂ©rite des autres. 14 [
] les progĂšs de la division du travail impliquent [
] une inĂ©galitĂ© toujours croissante [
] », ... 15 Ibid., p. 370. 7La dĂ©monstration durkheimienne semble donc avoir atteint son but. Ce n’est pas l’inĂ©galitĂ© sociale en elle-mĂȘme qui est tenue pour responsable des ruptures de la solidaritĂ© sociale et, partant, des conflits sociaux mais le fait que les inĂ©galitĂ©s sociales ne soient pas congruentes avec les inĂ©galitĂ©s naturelles ». L’inĂ©galitĂ© est en effet inscrite, comme consĂ©quence normale de la division du travail, dans la nature mĂȘme des sociĂ©tĂ©s polysegmentaires14. Elle est traitĂ©e par Durkheim comme une donnĂ©e non problĂ©matique. Les classes sociales – les castes mĂȘmes – sont des modes d’organisation de la division du travail qui sont parfaitement lĂ©gitimes tant qu’ils demeurent fondĂ©[s] dans la nature de la sociĂ©tĂ© », c’est-Ă -dire lorsque les rĂšgles de la distribution sociale ne font que structurer socialement les inĂ©galitĂ©s naturelles La contrainte ne commence que quand la rĂ©glementation, ne correspondant plus Ă  la nature vraie des choses et, par suite, n’ayant plus de base dans les mƓurs, ne se soutient que par la force »15. Non, la thĂšse durkheimienne est bien que ce n’est pas l’inĂ©galitĂ© des conditions qui menace la solidaritĂ© organique mais bien les conditions dans lesquelles cette inĂ©galitĂ© d’une part se constitue et, d’autre part, se maintient. Et l’égalitĂ© des chances est l’instrument par lequel peut se rĂ©aliser cette adĂ©quation entre ce que les hommes sont naturellement » et ce qu’ils deviennent socialement ». 16 Ibid., pp. 371-372. 8On s’attendrait donc Ă  ce que Durkheim dĂ©veloppe et approfondisse une analyse des conditions de rĂ©alisation de cette providentielle Ă©galitĂ© des chances. Celui-ci n’identifie pourtant comme seul et unique obstacle Ă  cette rĂ©alisation que l’institution de l’hĂ©ritage – plus prĂ©cisĂ©ment de l’hĂ©ritage patrimonial [
] alors mĂȘme qu’il ne reste, pour ainsi dire, plus de trace de tous ces vestiges du passĂ©, la transmission hĂ©rĂ©ditaire de la richesse suffit Ă  rendre trĂšs inĂ©gales les conditions extĂ©rieures dans laquelle la lutte s’engage »16. 17 Émile Durkheim, De la division du travail, op. cit., p. 371. 9Pourtant, plus on avance dans la lecture de La Division du travail social – ou mĂȘme du Socialisme – et plus il devient clair que, sous l’expression d’ Ă©galitĂ© dans les conditions extĂ©rieures de la lutte », il y a davantage que la seule notion d’égalitĂ© des chances dans l’accĂšs aux positions sociales. Il faut en effet ajouter Ă  la dimension distributive de ce principe de justice une dimension rĂ©tributive selon laquelle les diffĂ©rentes fonctions sociales ne doivent pas seulement ĂȘtre librement accessibles par chacun indĂ©pendamment de son origine sociale mais doivent en outre recevoir des gratifications matĂ©rielles et symboliques proportionnelles aux services rendus. Durkheim prĂ©cise en effet que cette Ă©galitĂ© dans les conditions extĂ©rieures de la lutte [
] consiste non dans un Ă©tat d’anarchie qui permettrait aux hommes de satisfaire librement toutes leurs tendances bonnes ou mauvaises, mais dans une organisation sociale oĂč chaque valeur sociale, n’étant exagĂ©rĂ©e ni dans un sens ni dans l’autre par rien qui lui fĂ»t Ă©tranger, serait estimĂ©e Ă  son juste prix »17. 18 Ibid., p. 377. 19 Ibid., p. 378. 10Durkheim est infiniment plus disert sur les conditions de la rĂ©alisation de cette derniĂšre exigence que sur celles de la prĂ©cĂ©dente. Pour assurer l’égalitĂ© contractuelle des rapports sociaux, il faut en effet que les valeurs Ă©changĂ©es par les individus des biens et des services les uns contre les autres soient Ă©quivalentes, c’est-Ă -dire que le prix de l’objet Ă©changĂ© soit en rapport avec la peine qu’il coĂ»te et les services qu’il rend ». Si cette valeur n’est pas mathĂ©matiquement » calculable, la conscience publique » ou encore l’ opinion » possĂšde un sentiment assez prĂ©cis de cette valeur et est donc en mesure de juger sainement du degrĂ© d’équitĂ© de l’échange. Mais ce n’est heureusement pas tout la thĂšse durkheimienne est que, si le consentement des contractants est libre de toute pression extĂ©rieure s’ils sont placĂ©s dans des conditions extĂ©rieures Ă©gales »18, alors l’échange est Ă©quitable et les individus ne reçoivent qu’en fonction du coĂ»t rĂ©el de l’objet Ă©changĂ©. Si, au contraire, une classe de la sociĂ©tĂ© est obligĂ©e, pour vivre, de faire accepter Ă  tous prix ses services, tandis que l’autre peut s’en passer grĂące aux ressources dont elle dispose et qui pourtant ne sont pas nĂ©cessairement dues Ă  quelque supĂ©rioritĂ© sociale, la seconde fait injustement la loi Ă  la premiĂšre. Autrement dit, il ne peut pas y avoir des riches et des pauvres de naissance sans qu’il n’y ait des contrats injustes »19. 11Ainsi, l’essentiel de l’analyse de l’analyse durkheimienne des causes de conflits sociaux tenant aux modalitĂ©s selon lesquelles les mĂ©rites individuels sont Ă  la fois reconnus par la maniĂšre dont le processus de la distribution sociale s’effectue et rĂ©compensĂ©s par le rĂ©sultat de ce processus en termes de stratification sociale tient dans la dĂ©nonciation de la seule institution de l’hĂ©ritage patrimonial, qui interdit l’égalitĂ© des chances et rend les rapports sociaux inĂ©quitables. Le mĂ©rite de cette analyse n’est cependant pas mince, dans la mesure oĂč elle parvient Ă  dĂ©passer l’aporie consubstantielle Ă  toute idĂ©ologie de l’égalitĂ© des chances l’égalitĂ© des chances dĂ©bouchant sur une inĂ©galitĂ© des conditions qui, dans le mĂȘme temps, en lĂ©gitime le principe, il suffit de faire en sorte que les conditions d’arrivĂ©e d’une gĂ©nĂ©ration ne constituent les conditions de dĂ©part de la suivante. C’est ce que permettrait, en brisant le cercle vicieux de la reproduction socio-Ă©conomique, la suppression de l’hĂ©ritage patrimonial ! II. Les apories de la solution socio-Ă©conomique et le choix de la solution socio-culturelle 20 Émile Durkheim, La famille conjugale » [1892], in Textes 3. Fonctions sociales et institutions, P ... 12Il est cependant douteux qu’il suffise de supprimer les inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques de naissance » pour supprimer du mĂȘme coup les contrats injustes ». D’une part, il existe, Ă  cĂŽtĂ© de la seule hĂ©rĂ©ditĂ© Ă©conomique, bien d’autres hĂ©rĂ©ditĂ©s – en particulier sociales et culturelles – susceptibles d’altĂ©rer la spontanĂ©itĂ© » de la distribution sociale. D’autre part, les rapports sociaux ne sont pas affectĂ©s seulement par les situations Ă©conomique de dĂ©part dans lesquelles se concluent les contrats mais aussi, et plus significativement encore, par les l’ensemble des inĂ©galitĂ©s plus ou moins acquises dont les individus sont affectĂ©s tout au long de leur carriĂšre. Ce qui rend les contrats injustes », c’est l’inĂ©galitĂ© mĂȘme des contractants, et pas seulement celle qui rĂ©sulte de la transmission hĂ©rĂ©ditaire des biens. En outre, dans un cours sur la famille conjugale professĂ© en 1892, Durkheim montrait dĂ©jĂ  l’extrĂȘme difficultĂ© qu’il y aurait Ă  supprimer une institution jouant un rĂŽle si efficace de stimulant pour le travail et pour la rĂ©ussite individuelle20 ! 21 Raymond Boudon, L’InĂ©galitĂ© des chances. La mobilitĂ© sociale dans les sociĂ©tĂ©s industrielles, Paris ... 13Mais, la suppression de l’hĂ©ritage assurerait-elle l’égalitĂ© des chances, il resterait que l’instauration de cette derniĂšre est loin de constituer une solution efficace Ă  la problĂ©matique durkheimienne du maintien de l’ordre social par la loyautĂ© des acteurs. De fait, la distribution naturelle » des talents et des aspirations parmi les individus a bien peu de chances et, pour dire vrai, aucune de correspondre Ă  celle des positions sociales dĂ©finies par la division du travail. La raison en est fort simple la premiĂšre de ces distributions est alĂ©atoire tandis que la seconde est donnĂ©e » ! Dans ces conditions, comme R. Boudon l’a magistralement et dĂ©finitivement montrĂ© dans ses travaux sur la mobilitĂ© sociale21, l’égalisation des chances peut fort bien n’avoir pas les effets mĂ©ritocratiques attendus et, donc, les effets d’intĂ©gration par justice distributive interposĂ©e prĂ©vus par Durkheim. 22 Alessandro Pizzorno, Lecture actuelle de Durkheim », Archives europĂ©ennes de sociologie, 1963, IV ... 14Ainsi le bilan de la mise en Ɠuvre durkheimienne de la problĂ©matique en termes d’ Ă©galitĂ© des chances » apparaĂźt bien prĂ©caire – tant au plan des conditions de son application pratique qu’à celui des effets qui en sont attendus. Aussi peut-on, avec un lecteur aussi attentif qu’A. Pizzorno, s’étonner de voir comment une pensĂ©e sociologique si pĂ©nĂ©trante, aprĂšs avoir recouru Ă  ce concept d’égalitĂ© Ă  un point fondamental et critique du systĂšme, oublie de se demander quelle en est la signification sociologique »22. Mais s’agissait-il vraiment d’un oubli ? 23 Émile Durkheim, Le Socialisme, sa dĂ©finition, ses dĂ©buts, la doctrine saint-simonienne [1928], Pari ... 24 Émile Durkheim, Le Suicide. Étude de sociologie [1897], Paris, 1973. Sur cet aspect de l’a ... 15Quelques annĂ©es plus tard, dans les derniĂšres pages du Socialisme, Durkheim allait en effet apporter une rĂ©ponse bien diffĂ©rente de la prĂ©cĂ©dente Ă  la question agitĂ©e dans le chapitre sur La division du travail contrainte » Ce qu’il faut pour que l’ordre social rĂšgne, c’est que la gĂ©nĂ©ralitĂ© des hommes se contentent de leur sort; mais ce qu’il faut pour qu’ils s’en contentent, ce n’est pas qu’ils aient plus ou moins, c’est qu’ils soient convaincus qu’ils n’ont pas le droit d’avoir plus. [
] S’il ne sent pas au-dessus de lui une force qu’il respecte et qui l’arrĂȘte, qui lui dise avec autoritĂ© que la rĂ©compense qui lui est due est atteinte, il est inĂ©vitable [que l’individu] rĂ©clame comme lui Ă©tant dĂ» tout ce qu’exigent ses besoins et, comme dans l’hypothĂšse ces besoins sont sans frein, leurs exigences sont nĂ©cessairement sans bornes »23. Le changement de ton est radical. Ici, les besoins » de l’individus ne sont plus naturellement en rapport avec ses moyens »; ils sont au contraire, comme dĂ©crits dans Le Suicide, infiniment extensibles et, de ce fait, insatiables aussi longtemps que l’intĂ©riorisation de normes sociales adaptĂ©es ne parvient Ă  les rĂ©guler et, donc, Ă  crĂ©er la possibilitĂ© de leur satisfaction24. Comme on peut s’en convaincre par la lecture des textes ultĂ©rieurs sur l’éducation, Durkheim vient de marquer qu’il abandonne la solution socio-Ă©conomique de la question de l’ordre social au bĂ©nĂ©fice d’une solution socio-culturelle. 25 Émile Durkheim, Éducation et sociologie [1922], Paris, 1966, p. 91. 16De fait, contrairement Ă  toute attente, la conception durkheimienne de l’éducation ne fait pas de l’institution scolaire un instrument d’égalisation des chances permettant la rĂ©alisation d’une distribution sociale mĂ©ritocratique. Le rĂŽle de l’école est d’abord de rĂ©pondre Ă  une demande structurelle dĂ©terminĂ©e en amont du processus Ă©ducatif par l’état de la division du travail et, dans ce but, d’y conformer les individus qui lui sont confiĂ©s. Elle cherche moins Ă  sanctionner les mĂ©rites individuels qu’à produire des individus adaptĂ©s aux besoins collectifs, c’est-Ă -dire Ă  la demande sociale. À cet Ă©gard, les propos de Durkheim sont sans ambiguĂŻtĂ© Bien loin que l’éducation ait pour objet unique ou principal l’individu et ses intĂ©rĂȘts, elle est avant tout le moyen par lequel la sociĂ©tĂ© renouvelle perpĂ©tuellement les conditions de sa propre existence »25. 26 Pitirim A. Sorokin, Social and Cultural Mobility [1927], Glencoe, Illinois, The Free Press, 1959. V ... 27 Émile Durkheim, Éducation et sociologie, op. cit., p. 41 c’est nous qui soulignons. 17On est donc bien loin de la thĂšse selon laquelle la seule Ă©valuation des mĂ©rites individuels dans une situation d’égalitĂ© des chances permettrait de rĂ©aliser l’harmonie entre les natures individuelles et les fonctions sociales ». Ici, plus un mot sur l’égalitĂ© des chances l’École, qui a pour fonction premiĂšre comme Sorokin le soulignera plus tard26 de distribuer dans les diffĂ©rentes positions sociales des individus aux caractĂ©ristiques appropriĂ©es, a donc essentiellement pour charge de leur donner les compĂ©tences nĂ©cessaires Ă  leur efficacitĂ© dans leurs fonctions respectives – bref, Ă  susciter et [
] dĂ©velopper chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que rĂ©clament de lui la sociĂ©tĂ© politique dans son ensemble et le milieu spĂ©cial auquel il est particuliĂšrement destinĂ© »27. Évidemment, rien n’est dit des raisons pour lesquelles un individu donnĂ© serait destinĂ© » Ă  embrasser telle carriĂšre plutĂŽt que telle autre ! Il ne peut plus, en effet, s’agir de goĂ»ts ou autres aptitudes innĂ©s depuis Le Suicide, le lecteur de Durkheim sait qu’il n’y a d’autre nature humaine » que celle que la sociĂ©tĂ©, par la socialisation, crĂ©e de toutes piĂšces en nous. 18Dans cette perspective, il devient alors Ă©vident que l’égalitĂ© des chances n’a plus grand rĂŽle Ă  jouer. L’essentiel Ă©tant de placer les individus convenables lĂ  oĂč la sociĂ©tĂ© rĂ©clame qu’ils soient placĂ©s, c’est cette demande » qui doit ĂȘtre satisfaite en prioritĂ© – et quelles que soient a priori les exigences de l’offre individuelle. 28 Ce thĂšme, on le sait, occupe une place centrale dans les thĂ©ories françaises de la reproduction s ... 29 Émile Durkheim, Éducation et sociologie, op. cit., p. 90. 19Mais que devient alors l’impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de faire en sorte que la gĂ©nĂ©ralitĂ© des hommes se contentent de leur sort » ? C’est lĂ  que l’institution Ă©ducative rĂ©vĂšle le caractĂšre providentiel de son action – en forme de vĂ©ritable sociodicĂ©e »28. De fait, si le systĂšme Ă©ducatif joue un rĂŽle fonctionnel d’induction susciter » et de dĂ©veloppement des qualitĂ©s individuelles diverses et variĂ©es que requiĂšrent les fonctions créées par la division du travail, il joue aussi, et dans le mĂȘme temps, un rĂŽle moral de socialisation, d’adaptation et d’intĂ©gration de l’individu. S’il parvient Ă  rĂ©aliser l’ harmonie » attendue entre ce que les individus sont moralement et ce qu’ils font socialement – entre aspirations et destins individuels –, ne devient-il pas alors assez indiffĂ©rent que cette distribution sociale rĂ©sulte d’une situation d’égalitĂ© des chances ? Le discours durkheimien est ici sans dĂ©tour L’homme que l’éducation doit rĂ©aliser en nous, ce n’est pas l’homme tel que la nature l’a fait, mais tel que la sociĂ©tĂ© veut qu’il soit; et elle le veut tel que le rĂ©clame son Ă©conomie intĂ©rieure »29. 20En derniĂšre analyse, Durkheim semble donc avoir estimĂ© que le scandale moral » que constitue l’inĂ©galitĂ© des chances serait plus efficacement Ă©vitĂ© en prĂ©parant les individus Ă  ce qu’ils seront et ce qu’ils seront reproduira sans doute ce qu’ils sont, c’est-Ă -dire leur origine sociale
 qu’en leur permettant de devenir ce qu’ils ont la capacitĂ©, la volontĂ© ou le goĂ»t d’ĂȘtre. Cela expliquerait en effet, d’une part, la prĂ©caritĂ© de la rĂ©flexion de notre auteur sur les conditions de l’égalisation des chances sociales et, d’autre part, l’accent mis par celui-ci sur le rĂŽle essentiellement socialisateur et intĂ©grateur de l’institution scolaire, au dĂ©triment de son rĂŽle de promotion sociale des individus. 21La raison d’une telle Ă©volution tient sans doute au fait que, dans cette Ɠuvre de jeunesse qu’est La Division du travail social, le paradigme durkheimien n’est pas encore entiĂšrement Ă©laborĂ©. Et ce sont ces incomplĂ©tudes qui, sans doute, ont conduit Durkheim Ă  se fourvoyer dans des pistes de recherches dont il a dĂ» constater trop tard qu’elles conduisaient Ă  des impasses. Si la thĂšse selon laquelle les conflits sociaux ont leur source essentielle dans l’illĂ©gitimitĂ© de l’ordre social ce n’est pas la nature objective des rapports sociaux qui risque rompre le consensus mais le caractĂšre dĂ©favorable de la perception qu’en ont les acteurs reste inchangĂ©e, Durkheim est rapidement passĂ© d’une conception selon laquelle cette lĂ©gitimitĂ© pouvait ĂȘtre obtenue par l’organisation dĂ©mocratique du systĂšme social Ă  une conception plus radicale pour laquelle le mĂȘme rĂ©sultat serait plus efficacement atteint par l’inculcation systĂ©matique et institutionnalisĂ©e de valeurs et de normes – bref, d’une solution socio-Ă©conomique Ă  une solution socio-culturelle. Haut de page Notes 1 Philippe Besnard, Les pathologies des sociĂ©tĂ©s modernes », in Ph. Besnard, M. Borlandi et P. Vogt Éd., Division du travail et lien social. Durkheim un siĂšcle aprĂšs, Paris, 1993, pp. 197-198 passim. 2 Le texte qui suit est partiellement repris et adaptĂ© de Charles-Henry Cuin, Durkheim et l’inĂ©galitĂ© sociale les avatars et les leçons d’une entreprise », Recherches sociologiques, 223, 1991, pp. 17-32. 3 Émile Durkheim, De la division du travail [1893], Paris, 1973. Il s’agit du chapitre II du Livre III, intitulĂ© La division du travail contrainte ». 4 Ibid., p. 369. 5 Ibid., p. 368. 6 Ibid., p. 370. 7 Voir Philippe Besnard, L’Anomie; ses usages et ses fonctions dans la discipline sociologique depuis Durkheim, Paris, 1987. 8 Ibid., p. 356. 9 Ibid., p. 369. 10 Ibid., p. 369. 11 Émile Durkheim, La Science sociale et l’action, Textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par Jean-Claude Filloux, Paris, 1970, p. 24. 12 Au mĂȘme moment, dans la premiĂšre tradition sociologique nord-amĂ©ricaine, ces deux options opposĂ©es sont respectivement dĂ©fendues par Sumner What Social Classes Owe to Each Other, New York, Harper Brothers, 1883 et par Ward La diffĂ©renciation sociale et l’intĂ©gration sociale une utopie sociologique, Paris, 1903. Voir Charles-Henry Cuin, Les Sociologues et la mobilitĂ© sociale, Paris, 1993. 13 Émile Durkheim, De la division du travail, Op. cit., p. 371. 14 [
] les progĂšs de la division du travail impliquent [
] une inĂ©galitĂ© toujours croissante [
] », Ibid., p. 371. 15 Ibid., p. 370. 16 Ibid., pp. 371-372. 17 Émile Durkheim, De la division du travail, op. cit., p. 371. 18 Ibid., p. 377. 19 Ibid., p. 378. 20 Émile Durkheim, La famille conjugale » [1892], in Textes 3. Fonctions sociales et institutions, Paris, Minuit, 1975, p. 47. 21 Raymond Boudon, L’InĂ©galitĂ© des chances. La mobilitĂ© sociale dans les sociĂ©tĂ©s industrielles, Paris, A. Colin, 1973. 22 Alessandro Pizzorno, Lecture actuelle de Durkheim », Archives europĂ©ennes de sociologie, 1963, IV, pp. 1-36. 23 Émile Durkheim, Le Socialisme, sa dĂ©finition, ses dĂ©buts, la doctrine saint-simonienne [1928], Paris, 1971, p. 227. 24 Émile Durkheim, Le Suicide. Étude de sociologie [1897], Paris, 1973. Sur cet aspect de l’analyse durkheimienne, voir Cuin, Durkheim et la mobilitĂ© sociale », Revue française de sociologie, 1987, XXVIII, 1, pp. 43-65. 25 Émile Durkheim, Éducation et sociologie [1922], Paris, 1966, p. 91. 26 Pitirim A. Sorokin, Social and Cultural Mobility [1927], Glencoe, Illinois, The Free Press, 1959. Voir Ă©galement Charles-Henry Cuin, Sorokin et le Social Mobility’ de 1927 naissance et mise en Ɠuvre d’une problĂ©matique sociologique », L’annĂ©e sociologique, 38, 1988, p. 275-308. 27 Émile Durkheim, Éducation et sociologie, op. cit., p. 41 c’est nous qui soulignons. 28 Ce thĂšme, on le sait, occupe une place centrale dans les thĂ©ories françaises de la reproduction sociale » Voir Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La Reproduction; Ă©lĂ©ments pour une thĂ©orie du systĂšme d’enseignement, Paris, Ed. de Minuit, 1970 et Christian Baudelot et Roger Establet, L’École capitaliste en France, Paris, Maspero, 1971. 29 Émile Durkheim, Éducation et sociologie, op. cit., p. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Charles-Henry Cuin, Division du travail, inĂ©galitĂ©s sociales et ordre social. Note sur les tergiversations de l’analyse durkheimienne », Revue europĂ©enne des sciences sociales, XLII-129 2004, 95-103. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Charles-Henry Cuin, Division du travail, inĂ©galitĂ©s sociales et ordre social. Note sur les tergiversations de l’analyse durkheimienne », Revue europĂ©enne des sciences sociales [En ligne], XLII-129 2004, mis en ligne le 05 novembre 2009, consultĂ© le 24 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Charles-Henry Cuin UniversitĂ© Victor Segalen – Bordeaux Articles du mĂȘme auteur Paru dans Revue europĂ©enne des sciences sociales, 49-2 2011 Paru dans Revue europĂ©enne des sciences sociales, XXXIX-120 2001 Paru dans Revue europĂ©enne des sciences sociales, XL-124 2002 Haut de page Droits d’auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page

EmileDurkheim, De la division du travail Social. Ce texte est un extrait de la division du travail. Dans ce passage, Durkheim présente les avantages de la division du travail c'est a dire de la

Mais si les sociĂ©tĂ©s supĂ©rieures ne reposent pas sur un contrat fondamen- tal qui porte sur les principes gĂ©nĂ©raux de la vie politique, elles auraient ou tendraient Ă  avoir pour base unique, [...] le vaste systĂšme de contrats particuliers qui lient entre eux les individus. Ceux-ci ne dĂ©pendraient du 5 groupe que dans la mesure oĂč ils dĂ©pendraient les uns des autres, et ils ne dĂ©pendraient les uns des autres que dans la mesure marquĂ©e par les conventions privĂ©es et librement conclues. La solidaritĂ© sociale ne serait donc autre chose que l'accord spontanĂ© des intĂ©rĂȘts individuels, accord dont les contrats sont l'expression naturelle. Le type des relations sociales serait la relation Ă©conomique, 10 dĂ©barrassĂ©e de toute rĂ©glementation et telle qu'elle rĂ©sulte de l'initiative entiĂšrement libre des parties. En un mot, la sociĂ©tĂ© ne serait que la mise en rapport d'individus Ă©changeant les produits de leur travail, et sans qu'aucune action proprement sociale vienne rĂ©gler cet Ă©change. Est-ce bien le caractĂšre des sociĂ©tĂ©s dont l'unitĂ© est produite par la division du travail ? S'il en Ă©tait ainsi, on pourrait avec raison douter de leur stabilitĂ©. Car si l'in-tĂ©rĂȘt rapproche les hommes, ce n'est jamais que pour quelques instants ; il ne peut crĂ©er entre eux qu'un lien extĂ©rieur. Dans le fait de l'Ă©change, les divers agents res-tent en dehors les uns des autres, et l'opĂ©ration terminĂ©e, chacun se retrouve et se reprend tout entier. Émile DURKHEIM, De la division du travail social, 1893. Coll. Quadrige », PUF, 1996, pp. 180-181. DĂ©veloppementde la division du travail social, gĂ©nĂ©ralitĂ© du phĂ©nomĂšne. D'oĂč le problĂšme: Faut-il nous abandonner au mouvement ou y rĂ©sister, ou question de la valeur morale de la division du travail. Incertitude de la conscience morale sur ce point; solutions contradictoires simultanĂ©ment donnĂ©es. MĂ©thode pour faire cesser cette
Si richement douĂ©s que nous soyons, il nous manque toujours quelque chose, et les meilleurs d'entre nous ont le sentiment de leur insuffisance. C'est pourquoi nous cherchons chez nos amis les qualitĂ©s qui nous font dĂ©faut, parce qu'en nous unissant Ă  eux nous participons en quelques maniĂšre a leur nature, et que nous nous sentons alors moins incomplets. Il se forme ainsi de petites associations d'amis oĂč chacun a son roule conforme a son caractĂšre ou il y a un vĂ©ritable Ă©change de services. L'un protĂšge , l'autre console ; celui-ci conseille, celui-lĂ  exĂ©cute, et c'est ce que partage des fonctions ou pour employer l'expression consacrĂ©e, cette division du travail qui dĂ©termine ces relations d'amitiĂ©. Nous sommes ainsi conduits a considĂ©rer la division du travail sous un nouvel aspect. Dans ce cas, en effet, les services Ă©conomiques qu'elle peut rendre sont peu de chose a cotĂ© de l'effet moral qu'elle produit , et sa vĂ©ritable fonction est de crĂ©er entre deux ou plusieurs personnes un sentiment de solidaritĂ©. De quelque maniĂšre que ce rĂ©sultat soit obtenu, c'est elle qui suscite ces sociĂ©tĂ©s d'amis, et elle les marque de son peinte.. Emile Durkheim, De la division du travail Social. Ce texte est un extrait de la division du travail. Dans ce passage, Durkheim prĂ©sente les avantages de la division du travail c'est a dire de la rĂ©partition des taches au sein d'une sociĂ©tĂ©. Pour Durkheim cette organisation rend des services Ă©conomique puisque que les hommes deviennent plus compĂ©tents et plus efficaces, mais c'est surtout le fondement de liens amicaux ou solidaires entre les hommes; comme il lui dit lui mĂȘme "les services Ă©conomiques que la division du travail peut rendre sont peu de choses a cotĂ© de l'effet moral qu'elle produit, et sa vĂ©ritable fonction et de crĂ©er entre deux ou plusieurs personnes un sentiment de solidaritĂ©."
EmileDurkheim, sociologue du lien social – La nature et les formes du lien social. A- Les causes de l’essor de la division du travail. Les causes de l’essor de la DT. La DT repose sur une intensification des relations sociales permises par l’augmentation du volume de la sociĂ©tĂ© et de la densitĂ© matĂ©rielle et morale.
RĂ©sumĂ© du document C'est le point de dĂ©part de la rĂ©flexion de Durkheim. Qu'est-ce qui fait que dans des sociĂ©tĂ©s modernes qui se diffĂ©rentient toujours plus ou la division du travail social est toujours grandissante, ces sociĂ©tĂ©s tiennent ensemble qu'est-ce qui fait la cohĂ©sion sociale dans des sociĂ©tĂ©s toujours plus diffĂ©rentiĂ©es, qui donnent toujours plus de place Ă  l'individu ? Cette question reste une question actuelle. Ce mouvement se poursuit dans nos sociĂ©tĂ©s modernes. Des normes collectives sont-elles encore capables de rĂ©guler les rapports entre individus, individus que tout tend en apparence Ă  sĂ©parer plutĂŽt qu'Ă  lier. C'est la prĂ©occupation de Durkheim face au devenir de la morale ». Il s'agit ici de la division du travail social et non industriel, le sous-titre Ă©tant Ă©tude sur l'organisation des sociĂ©tĂ©s supĂ©rieures occidentales modernes ». Division du travail en sociĂ©tĂ©, dans les sociĂ©tĂ©s modernes. Cette question n'est pas nouvelle. Elle prĂ©occupe depuis longtemps les Ă©conomistes, dont Adam Smith. Sommaire Analyse fonctionnelle et analyse causale Une fonction intĂ©grer le corps social Deux types solidaritĂ© mĂ©canique et solidaritĂ© organique Un symbole les formes du droit SociĂ©tĂ©s modernes et sociĂ©tĂ©s traditionnelles Un principe tout fait social doit s'expliquer par un autre fait social Trois causes volume de la sociĂ©tĂ©, densitĂ© matĂ©rielle et densitĂ© dynamique dite aussi densitĂ© morale Le double diagnostic durkheimien Division du travail, conflit social et anomie Culte de l'individu et dĂ©clin de la conscience collective quels risques ? Extraits [...] En mĂȘme temps, le savant est complĂštement animĂ© par du normatif. Il a une maniĂšre de s'inquiĂ©ter de la sociĂ©tĂ© moderne dans une forme de nostalgie pour l'harmonie perdue des sociĂ©tĂ©s primitives. Donc attention Ă  toujours relever les traces normatives derriĂšre un discours positif. On peut dire aussi que la maniĂšre dont Durkheim pense la sociĂ©tĂ© est toujours dans un cadre national. Ce qu'il appelle la sociĂ©tĂ© c'est souvent la nation une nation est d'abord nĂ©e de la volontĂ© de vivre ensemble, plus que la langue, etc.. [...] [...] Mais ce culte ruine la croyance en d'autres valeurs. Cette foi commune n'est possible que par la ruine des autres et ne pourrait donc produire l'effet de toutes les autres Ă©teintes. Et si cette croyance est commune, car partagĂ©e par la communautĂ©, elle est individuelle par son objet, car son objet est l'individu. Ce culte n'est pas Ă  la sociĂ©tĂ© qu'il nous attache c'est Ă  nous-mĂȘmes. Ce culte ne constitue pas un lien social vĂ©ritable crainte de voir le lien social se dĂ©faire sous l'impact de ce culte, il tend plutĂŽt Ă  les Ă©loigner. [...] [...] Conclusion de la division du travail social notre premier devoir, pour Durkheim, c'est de nous faire une morale. Il est nĂ©cessaire que les sociĂ©tĂ©s modernes se donnent un socle de valeurs partagĂ©es, composĂ©es des valeurs hĂ©ritĂ©es des LumiĂšres, de la RĂ©volution française, de la confiance en la science, etc. Durkheim est Ă  la fois rĂ©formiste et conservateur, savant soucieux d'ĂȘtre utile . b. Culte de l'individu et dĂ©clin de la conscience collective quels risques ? Il termine sa thĂšse avec quelques remarques s'agissant du culte de l'individu. [...] [...] Ces trois facteurs expliquent comment on passe de sociĂ©tĂ© Ă  solidaritĂ© mĂ©canique Ă  des sociĂ©tĂ©s Ă  solidaritĂ© organique. Durkheim pense la causalitĂ© Ă  sens unique. Jamais il ne pense une possible rĂ©troaction de l'effet sur la cause. Ex. le travail des femmes explique-t-il qu'on fait mois d'enfants ? Donc la division du travail affecte-t-elle la dĂ©mographie en retour. À partir de cette explication par trois causes, Durkheim va poser un diagnostic sur les formes pathologiques ou anormales de la division du travail social. [...] [...] Il va proposer des remĂšdes. III. Le double diagnostic durkheimien a. Division du travail, conflit social et anomie Ă©tat d'indĂ©termination, durable ou transitoire, quant aux normes, rĂšgles et valeurs sur lesquelles fonder la vie en sociĂ©tĂ©. Durkheim dit qu'il y a anomalie ou pathologie chaque fois que cette division du travail ne produit pas un accroissement de la solidaritĂ© social, mais son contraire, Ă  commencer par l'antagonisme du travail et du capital. À mesure que les fonctions industrielles se spĂ©cialisent, la lutte devient plus vive bien loin que la solidaritĂ© augmente. [...]
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PierreFAVRE. Professeur de Science politique Ă  l’UniversitĂ© de Clermont-Ferrand (1985) “Histoire dela science politique.” LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBECCHICOUTIMI, QUÉBEC
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